Budget carbone et redevabilité climatique des entreprises


Redevabilité climatique

Le "budget carbone mondial" est un plafond limite maximum concernant la quantité totale d'émissions cumulées dans le temps à ne pas dépasser pour rester sous les 2°C.

Or, nos émissions passées ont déjà bien entamé le budget carbone mondial, on s'intéresse donc ici de budget carbone restant. C'est la marge de manoeuvre qu'il nous reste pour limiter le réchauffement climatique.

Le GIEC a calculé que depuis 1850, le cumul des émissions de CO2 est de 2390 gigatonnes (source : IPCC AR6 WG1).

Pour maximiser nos chances de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, il ne faut pas émettre plus de 300 gigatonnes de CO2 supplémentaires ou 900 gigatonnes pour tenir l'objectif de 2°C.

C'est très peu quand on sait que les émissions mondiales sont d'environ 40 gigatonnes de CO2 / an. A ce rythme, on risque de dépasser notre budget carbone pour rester sous la barre des 1,5°C d'ici à 2027.

Budget carbone

Redevabilité climatique des entreprises


Pourquoi s'intéresser à la redevabilité climatique des acteurs non étatiques et plus particulièrement à celui du secteur privé ? Tout simplement parce que depuis la COP20 et ce qui est devenu le Marrakech Partnership for Global Climate Action, les engagements de neutralité carbone se multiplient.

Les allégations environnementales n'ont jamais été aussi nombreuses en matière de neutralité carbone. Des promesses, souvent de bonne foi, mais sans réelle capacité de garantir la crédibilité des stratégies et des plans de transition qui permettront d'atteindre ces objectifs.

Avec la révision de la Directive Corporate Sustainable Reporting (CSRD), la Commission Européenne a mandaté l'EFRAG (le Groupe Consultatif Européen sur l’Information Financière) pour développer les normes qui, dès 2023, permettront aux entreprises de rendre compte de leurs plans de transition.

L’ADEME et le Carbon Disclosure Project (CDP) ont en parallèle développé l'initiative ACT (pour Assessing low Carbon Transition). Cette initiative vise à offrir aux entreprises des méthodologies pour développer et évaluer leurs stratégies et les moyens mis en oeuvre pour les réaliser au regard de l'objectif d'atténuation de l'Accord de Paris.

En savoir plus sur l'initiative ACT

Initiatives autour de la redevabilité climatique des entreprises


  • Science Based Target (SBT) : SBTi est une initiative internationale, portée depuis 2015 par plusieurs organisations dont le Carbon Disclosure Project (CDP), qui propose des méthodes qui permettent de passer du budget carbone planétaire à l'échelle de l'entreprise. L'idée est d'aider les entreprises à se fixer des objectifs de réduction d'émission compatibles avec la science. SBTi propose également une certification des objectifs des entreprises
  • Assessing low Carbon Transition (ACT) : lancée en 2015 lors de la COP21 par l'ADEME en collaboration avec le Carbon Disclosure Project (CDP). C'est une initiative qui propose un cadre de redevabilité climatique au travers de méthodes sectorielles qui permettent d'évaluer les stratégies de décarbonation et les plans de transition associés des entreprises

Comment décliner ce budget carbone restant pour mon entreprise ?


En partant du budget carbone mondial restant, SBTi fournit plusieurs méthodes qui permettent de décliner ce budget carbone restant et de construire une trajectoire de réduction des émissions pour chaque entreprise.

L'objectif de ces méthodes est avant tout de permettre aux entreprises de comprendre comment définir leur propre trajectoire qui utilisera au mieux le budget carbone restant au niveau mondial pour respecter les Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ou 2°C.

Détaillons deux méthodes développées par la SBTi :

  1. ACA (pour Absolut Contraction Approach) : c'est l'approche de la contraction absolue qui consiste, à partir du budget carbone restant au niveau mondial, à déduire pour toutes les entreprises quelque soit le secteur le rythme de réduction des émissions nécessaire entre une année de départ et une année cible pour rester sous les 1,5°C ou les 2°C. Par exemple :
    • L'entreprise Procter & Gamble (P&G) s'est engagée à réduire les émissions de ses opérations de 50% d'ici à 2030 par rapport à 2010.
    • L'entreprise General Mills s'est engagée à réduire les émissions de sa chaîne de valeur de 28% d'ici 2025 par rapport à 2010.
  2. SDA (pour Sectoral Decarbonization Approach) : dans cette approche, le budget carbone mondial restant est d'abord réparti secteur par secteur. Chaque secteur d'activité se voit attribuer une part de budget carbone restant. Cette part est calculée sur la base des scénarios sectoriels de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE). Ensuite, les entreprises de chaque secteur se voient attribuer un même objectif exprimé via un indicateur spécifique à chacun de ces secteurs. Par exemple, dans chaque cas, l'indicateur est rapporté à l'unité de mesure qui représente le mieux l'activité du secteur :
    • Dans l'immobilier : il s'agit d'un % des émissions par m2. Avec cette méthode, les entreprises du secteur doivent atteindre à terme le même niveau d'émissions par mètre carré quelque soit le niveau où elles sont aujourd'hui.
    • Dans l'énergie : il s'agit d'un % des émissions par kWh pour l'électricité ou par TJ (térajoule) pour l'industrie pétrolière et gazière. Par exemple, le groupe italien Enel s'est engagé à réduire les émissions de son Scope 1 de 80% par kWh d'ici à 2030
    • Dans les transports : il s'agit d'un % des émissions par km parcouru. Par exemple, la compagnie de chemin de fer américaine Norfolk Southern s'est engagée à réduire de 42% ses émissions par tonne-kilomètre d'ici 2034.

Le détail de ces méthodes est disponible dans le SBTi Corporate Manual disponible en ligne.

Quelle différence d'approche entre les deux méthodes ACA et SDA ?

  • La méthode ACA est aujourd'hui choisie par la majorité des entreprises qui suivent la SBTi. L'avantage de cette méthode est qu'elle peut s'appliquer à tous types d'entreprises mais est moins précise que la méthode sectorielle SDA puisqu'elle se base sur des scénarios globaux qui ne prennent pas en compte les spécificités de chaque secteur. La méthode ACA définit un objectif de réduction absolu pour toutes les entreprises, quel que soit le secteur.
  • Avec la méthode SDA, les entreprises se voient attribuer un objectif de réduction en valeur relative, exprimé via un indicateur spécifique à chaque secteur (% de réduction des émissions par kWh, par m2, ...).

Concernant la méthode SDA, il s'agit d'abord trouver le bon scénario pour votre secteur d'activité. Par exemple, pour l'agriculture et l'alimentation, il sera nécessaire d'aller au-delà de ce que propose l'AIE qui ne couvre pas ce secteur. Cette méthode fonctionne surtout pour les secteurs homogènes qui proposent des produits relativement similaires en termes d'intensité carbone (industrie du ciment, papier, aluminium, ...).

A l'inverse la méthode ACA fonctionne surtout pour les secteurs hétérogènes qui incluent des entreprises avec des produits très différents (industrie chimique avec ses milliers de produits qui diffèrent fortement les unes des autres).

Il est à noter que la méthode SDA fonctionne sur des valeurs relatives (réduire des émissions par kWh, par m2, par kilomètre). Par exemple, une entreprise qui parvient à réduire ses émissions par m2 de 10% mais qui, sur la même période, a augmenté de 20% son volume de construction, le bilan global de ses émissions sera en hausse. Il est donc clé de bien vérifier que la production supplémentaire ne mène pas à des émissions supplémentaires en valeur absolue.

Complémentarité entre SBTi et ACT


Pour mieux comprendre la complémentarité entre SBTi et ACT, prenons une analogie :

SBTi aide à définir des objectifs et ACT à évaluer la crédibilité des moyens mis en oeuvre pour les atteindre.

Les méthodes sectorielles ACT permettent de s'assurer de la crédibilité du plan de transition de l'entreprise pour atteindre ses objectifs de réduction d'émissions. Elle vérifie l'adéquation des moyens que l'entreprise a mis en place ou prévoit de mettre en place. Si l'entreprise n'a pas de plan, ACT propose alors une démarche ACT pas-à-pas pour aider les entreprises à définir leur stratégie de décarbonation et les plans de transition associés.

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